Pour gérer vos consentements :

Comment les outils EPM transforment-ils la fonction finance ?

Publié par Christina DIEGO le - mis à jour à

Les solutions EPM (Enterprise Performance Management) permettent de piloter la performance. En plus d'offrir une vue exploitable en temps réel des données ERP pour les comparer aux budgets, ils permettent d'anticiper les résultats futurs. Comment choisir son outil de pilotage, sur quels critères et comment se déploient-ils en entreprise ? La rédaction fait le point avec David Merignargues associé Finance Strategy & Performance chez KPMG en France, qui vient de publier un livre blanc « Pilotage de la performance et digitalisation ».

Pourquoi les outils EPM sont-ils devenus incontournables pour les Daf ?

David Merignargues : Aujourd'hui, les outils de pilotage de la performance sont plus que jamais sur le devant de la scène en raison d'un double phénomène : d'une part, une obsolescence technologique des solutions historiques (BFC, DSAP et HFM) qui arriveront en fin de maintenance d'ici 2030-2032, obligeant les entreprises à revoir leurs systèmes. D'autre part, un besoin métier accru face à un environnement marqué par l'inflation, l'accélération des cycles économiques et des tensions sur les chaînes d'approvisionnement. Ces outils, historiquement adaptés à des processus plus stables, peinent désormais à répondre aux exigences d'agilité et de réactivité du marché.

Quels critères prendre en compte pour choisir une solution EPM ?

D. M. : Un point essentiel est de ne pas sélectionner une solution avant d'avoir défini ses cas d'usage. Trop souvent, les entreprises optent pour un outil sans avoir suffisamment réfléchi à l'usage concret qu'elles en feront. Un autre critère clé est l'intégration dans les systèmes d'information existants. Chaque entreprise doit se poser des questions structurantes : comment l'outil va-t-il interagir avec l'ERP ? Où seront réalisés les tableaux de bord et le reporting ? Ces considérations techniques sont essentielles pour s'assurer que la solution retenue s'intègre efficacement dans l'environnement IT.

Autre critère, la capacité à déployer et à accompagner le projet. Il est crucial de choisir une solution soutenue par des experts métiers et techniques, capables d'accompagner le déploiement efficacement, notamment en fonction de la disponibilité des consultants et de leur implantation géographique.

Enfin, un dernier facteur, et non des moindres, est bien entendu le coût du projet qui ne se limite pas au prix initial, mais inclut aussi les coûts récurrents des licences et du maintien en conditions opérationnelles (run). Étant donné qu'un projet EPM peut s'étendre sur six mois à deux ans, selon la taille de l'entreprise et la complexité des cas d'usage, cet investissement doit être réfléchi sur le long terme.

En quoi les évolutions des EPM rendent-elles le pilotage financier plus collaboratif et intuitif ?

D. M. : Ces outils de pilotage modernes présentent une approche innovante avec le low-code/no-code, permettant aux utilisateurs finaux comme le directeur financier d'effectuer des ajustements sans avoir besoin de développement informatique complexe. Contrairement aux solutions historiques qui nécessitaient du codage pur, ces outils adoptent une logique plus intuitive facilitant leur prise en main. En parallèle, ils intègrent une dimension collaborative qui manquait auparavant.

Enfin, l'un des éléments clés des solutions nouvelle génération est leur capacité à exploiter la donnée de manière dynamique, en intégrant des simulations, des scénarios comparatifs et une visualisation avancée, ce qui permet d'analyser et d'anticiper plus efficacement la performance, sans avoir à tout reconstruire manuellement comme c'était le cas avec les outils traditionnels.

Quels bénéfices en tirer pour les Daf ?

D. M. : L'un des grands bénéfices des outils EPM modernes est leur dimension collaborative intégrée, qui fluidifie les processus de reporting, budget et forecast. Aujourd'hui, je peux, directement dans un tableau ou un graphique, pointer une donnée, poser une question à un collaborateur et celui-ci recevra une notification instantanée, permettant une interaction rapide et efficace. Ces outils offrent aussi des workflows avancés, particulièrement utiles pour les entreprises fonctionnant en bottom-up, où les remontées budgétaires des filiales doivent être consolidées. Grâce à ces fonctionnalités, il est possible de suivre en temps réel l'état d'avancement, d'identifier les chiffres encore manquants et de comparer les résultats aux objectifs fixés par le top management. L'objectif final reste le même : accélérer et améliorer la prise de décision, qui est au coeur de la valeur ajoutée des solutions EPM.

Quels sont les défis majeurs à anticiper lors de l'intégration d'un outil EPM ?

L'un des principaux défis est la gestion de la donnée. Ces solutions s'appuient sur des données comptables et opérationnelles, et si celles-ci sont incomplètes, inaccessibles ou de mauvaise qualité, cela aura un impact direct sur la performance de l'outil. Il est donc crucial d'anticiper ces problématiques en amont et d'éviter de transformer l'EPM en une « méga rustine » qui viendrait compenser toutes les lacunes du système d'information.

Un autre enjeu majeur est la conduite du changement, qui est souvent sous-estimée. Trop souvent, on considère qu'elle se limite à former les utilisateurs en fin de projet, alors qu'en réalité, si l'adoption commence si tard, elle est déjà compromise. Il est primordial d'impliquer les équipes dès le début du projet, notamment dans le choix de la solution. Ce sont les futurs utilisateurs qui doivent être parties prenantes dès la phase de sélection, car cela leur permet de s'approprier l'outil et d'en comprendre les bénéfices.

Comment les entreprises concilient-elles performances financière et extra-financière grâce aux nouvelles fonctionnalités des outils EPM ?

D. M. : Ces outils de pilotage de la performance sont conçus pour consommer, traiter et restituer la donnée, ce qui en fait naturellement des solutions adaptées à l'intégration des exigences de la CSRD par exemple. Cette réglementation devient un volet supplémentaire à gérer, que ce soit par les équipes financières, les responsables RSE ou une combinaison des deux, selon l'organisation de l'entreprise. De plus, les outils existants comme les ERP et les solutions de consolidation statutaire sont déjà les référents en matière de données financières. Il est donc logique de regrouper dans ces mêmes environnements une partie des informations CSRD, plutôt que de créer des silos supplémentaires.

L'intégration de la CSRD ne s'arrête pas aux données comptables : elle s'inscrit aussi dans une logique de performance globale, notamment à travers les projets de carbone accounting. De nombreuses entreprises suivent désormais des trajectoires de décarbonation, et il devient essentiel de relier ces objectifs aux indicateurs économiques traditionnels.

Quelles tendances innovantes émergent au service des directions financières ?

D. M. : Le marché des solutions EPM est en pleine transformation, avec une véritable course à l'innovation entre les éditeurs. Initialement centrés sur la planification et le reporting financier, ces outils évoluent pour intégrer des capacités avancées de data management, proches des plateformes de données (ETL), et améliorer la visualisation en temps réel, concurrençant des outils comme Power BI ou Tableau. Un autre axe majeur est l'intégration de la consolidation statutaire, comme l'illustre le rachat de Fluence par Anaplan ou le développement d'un module dédié chez Board, afin de répondre aux futurs changements liés à la fin de maintenance des solutions BFC et HFM.

L'intelligence artificielle joue également un rôle clé dans cette évolution. Les éditeurs intègrent de plus en plus de machine learning et d'IA générative pour optimiser la gestion des données, automatiser la détection d'anomalies et améliorer le forecasting. À terme, l'IA générative transformera la manière dont nous interagissons avec la donnée, en permettant de poser des questions en langage naturel directement dans l'outil, et même d'initier des actions collaboratives à partir des réponses obtenues. Cette avancée pourrait libérer les contrôleurs de gestion des tâches chronophages de data-tracking, leur permettant enfin de se recentrer sur leur véritable valeur ajoutée : l'analyse stratégique et l'accompagnement des décisions business.

La rédaction vous recommande