La fiducie : solution miracle du restructuring?
Publié par Marie-Amélie Fenoll le | Mis à jour le
Pour des entreprises en difficulté la fiducie apparaît comme le remède miracle pour préserver ses biens et ses actifs. Mais le cadre ficudiaire est à manier avec précaution. Explications.
La fiducie serait-elle la clé pour garantir le succès d'une restructuration d'entreprise ? Sur le papier, ce cadre juridique semble idyllique dans le sens où il permet à une société au bord de la faillite de préserver ses biens et actifs et/ou leur gestion dans le cadre notamment des procédures collectives. « C'est un outil très puissant et fabuleux qui a permis de sauver un grand nombre d'entreprises », souligne Johanna Rousselet, administrateur judiciaire chez Abitbol & Rousselet, à l'occasion de la 10e édition des rencontres restructuring organisée par Option Finance le 21 juin 2022.
Fiducie-gestion ou fiducie-sûreté?
Dans un premier temps, afin de bien savoir de quel type de fiducie on parle, il convient de distinguer la fiducie-gestion (mécanisme par lequel le constituant transfère la propriété de biens au fiduciaire qui est chargé de les gérer, soit dans l'intérêt du constituant, soit dans l'intérêt d'un tiers bénéficiaire) de celle de la fiducie-sûreté (cadre juridique dans lequel un constituant, débiteur, transfère à un fiduciaire, créancier, des biens, des droits ou des sûretés en garantie de sa créance). Le mécanisme de fiducie assez récent, est inscrit dans le droit français depuis 2007 et codifié dans le code civil aux articles 2011 à 2030. « la fiducie-sûreté est la reine des sûretés car en cas de non-remboursement et/ou de non-paiement des obligations qui sont garanties au titre de ce contrat, le fiduciaire peut réaliser au profit des bénéficiaires la sûreté. Elle est robuste en cas de procédures collectives », détaille Daniela Kotzeva, managing director chez Equitis. C'est de plus un outil qui a une neutralité comptable car les biens sortent du patrimoine du constituant et garantissent une transparence fiscale.
De son côté, « La fiducie-gestion est un outil assez formidable de plus en plus utilisé mais moins connu pour essayer de trouver des solutions « ad hoc » dans nos dossiers de restructuring », explique Céline Domanget-Morin, restructuring partner chez Goodwin. Un outil qui a été mis en lumière en 2014, dans le cadre notamment de la sortie de l'enseigne La Redoute du groupe Kering/PPR. « Une enveloppe de cash avait été placée en fiducie-gestion par le groupe Kering pour le financement du PSE. Le contrat prévoyait alors les conditions de la libération progressive du cash ». C'est aussi "un outil assez formidable pour les sociétés cotées" car cela permet d'avoir ce tampon pour s'assurer une liquidité dans le temps et avec un tiers qui va le gérer à la place des parties.
Un contrat tiré au cordeau
Il est également possible d'avoir un mélange de ces deux types de contrats, fiducie-gestion et fiducie-sûreté. Ce mélange de fiducie-gestion et fiducie-sûreté est souvent utilisé quand les actifs sont compliqués à gérer avec des titres de sociétés. Pour Jean-Dominique Daudier de Cassini, avocat associé chez Weil Gothsal & Manges LLP, la fiducie est très intéressante par exemple dans le cas d'une maison-mère qui pour garantir les dettes de sa filiale, donne les titres de cette dernière en garantie. « Mais il faut être d'une précision diabolique dans la rédaction du contrat car le fiduciaire va être en premier ligne sur les prises de décision, les augmentations de capital, ... Et si le fiduciaire est intelligent, il n'est pas souple ! Il a besoin d'instructions claires ». Le fiduciaire n'est là que pour appliquer les termes du contrat. Celui-ci doit donc être rédigé "à la virgule près".
Sécuriser le financement
Qui dit restructuration dit recherche de nouveaux financements. « La fiducie n'est pas un moyen de financement mais seulement un outil qui facilite ce dernier. Ainsi, lorsque l'on présente un dossier en comité de crédit, c'est la fiducie-sûreté qui aide à obtenir l'accord car les actifs sont sanctuarisés et à l'abri de la procédure collective », selon Daniela Kotzeva, d'Equitis.
La fiducie est « un outil fabuleux pour sécuriser le financement et rétablir la confiance», souligne de son côté Johanna Rousselet, administrateur judiciaire chez Abitbol & Rousselet. Cependant, il peut être parfois difficile d'aller chercher de nouveaux financements, car l'entreprise a généralement mis en fiducie ses meilleurs actifs et les a donc sortis de son patrimoine : « on perd un levier dans sa recherche de financements », avoue-t-elle.
« En dehors de la période PGE, mettre de la « new money » dans un dossier en difficulté implique de pouvoir être sûr de récupérer un actif dans une hypothèse de procédure. Voilà pourquoi la fiducie-sûreté a pris une telle place aujourd'hui dans les financements », détaille Céline Domanget-Morin, de chez Goodwin.
Points de vigilance
C'est un outil « presque surutilisé », selon Joanna Rousselet de chez Abitbol & Rousselet,, et de citer le cas d'établissements financiers qui ont préféré des mécanismes de fiducie par rapport aux PGE. Parmi les points de vigilance, elle alerte sur le fait que la fiducie réduit le gage des autres créanciers, enlève du pouvoir de gestion des débiteurs et conduit à transformer le rapport de force entre créancier et débiteur. Sans compter le fait que la fiducie ne garantit pas la valeur de l'actif qui est transmis. « Il s'agit de la mettre en place quand d'autres sûretés ne sont pas adaptées », insiste-t-elle.