Pierre Ricard, un Daf sourd au service de la communication
Publié par Jérôme Pouponnot le | Mis à jour le
En rejoignant en 2008 Delta Process qui commercialise Tadeo, plateforme de communication entre les entendants et les sourds, Pierre Ricard a donné à sa vie professionnelle un nouveau sens et fait de son handicap un atout.
En 2007, Pierre Ricard souhaite relancer sa vie professionnelle en privilégiant l’économie à échelle humaine : « Il était temps de m’orienter vers l’économie réelle, celle qui est faite par les hommes pour les hommes et non pas celle tournée uniquement vers l’argent ».
Une recherche de sens qui prendra forme chez Delta Process en 2008.
Car, avant cela, Pierre Ricard, sourd depuis ses 4 ans, avait commencé sa carrière en tant que directeur administratif et financier en 1985 au sein d’Ulysse Pila & Cie (commerce international), avant d’en devenir le dg associé de 1990 à 1996. « J’ai vécu une aventure formidable en alliant les montages financiers et les ouvertures de filiales à l’étranger. Une expérience qui me sert encore aujourd’hui. » Il étanche sa soif d’entrepreneuriat en créant Page Développement pour racheter NéoBureau, une société de fournitures, mobilier et matériels de bureau.
Durant près de dix ans, Pierre Ricard prend la mesure du “combat” qui lui est proposé : se battre à armes inégales sur un marché très concurrentiel, face à des structures beaucoup plus imposantes. « La taille de mon entreprise était finalement inadaptée par rapport au marché. Mon prix de revient était insuffisant eu égard à mes coûts structurels pour pouvoir me battre avec les mêmes atouts. » Face à la pression des banques et au sentiment d’avoir été trahi par celles-ci, il cède son affaire, alors en redressement judiciaire, avant de redevenir Daf chez Clair de baie. En désaccord avec la stratégie de l’entreprise, il démissionne après moins d’un an de fonction.
Gommer le handicap, puis capitaliser dessus
Malgré la loi promulguée en 2005 sur le handicap et l’égalité des droits et des chances, Pierre Ricard constate l’absence quasi totale d’entreprises positionnées sur ce domaine face à un marché émergent. « Le handicap n’intéresse personne, il demeure le fonds de commerce du monde associatif, tout en restant cantonné à la compassion. » Mais il trouve en Tadeo, plateforme de communication qui propose un service de transcription instantanée de la parole et de visio-interprétation LSF (langue des signes française) à distance et en temps réel, l’occasion de passer à l’action et de faire de son vécu un atout pour l’entreprise. Son objectif est double. Financier d’une part, puisque les premiers mois sont consacrés à la recherche de financements européens. Une recherche qui est d’ailleurs toujours d’actualité, mais aujourd’hui effectuée auprès des régions. Personnel d’autre part, puisque sa volonté est de réduire la fracture de communication entre les entendants et les sourds.
D’autant que, en s’appuyant sur une étude de marché développée par son entreprise et basée sur les données fournies par l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), le nombre d’emplois potentiel “en lien avec le handicap” peut être estimé à près de 50 000. « Je considère ma vie actuelle comme un moyen de boucler la boucle : j’ai commencé à travailler sourd, en me voulant “entendant”et je finirai ma vie – professionnelle – au service de la surdité », conclut-il.
Repères
En aparté
Être arrivé à ce stade de ma carrière, tout en y associant ma famille.
Les stéréotypes et le prêt à penser
Tout sauf ça ! (rires)