Omnibus et CSRD : si l'Europe cède sur l'environnement, elle laissera le champ libre à la Chine
Publié par Elvire Regnier, présidente-fondatrice de Regenerative-Advisory le | Mis à jour le
L'Europe, sous la menace d'une guerre commerciale imminente, serait mal inspirée de cèder sur l'environnement, avec l'examen de la loi omnibus concernant la CSRD, le devoir de vigilance, la taxonomie verte qui a lieu ce mercredi 26 février. Elle laissera ainsi le champ libre à la Chine, analyse Elvire Regnier, présidente-fondatrice de Regenerative-Advisory dans cette tribune exclusive.
Sous la pression des nouveaux équilibres commerciaux et notamment de la nouvelle donne venue des Etats-Unis, la Commission Européenne présente le 26 février l'ensemble Omnibus qui regroupe des réformes visant les principales réglementations ESG (Environnement Social Gouvernance également appelé RSE, Responsabilité Sociétale des Entreprises). Cela inclut la fameuse directive CSRD, Corporate Sustainability Reporting Directive, adoptée en 2022.
Or, cet omnibus prévoit de revoir à la baisse les ambitions de l'Europe dans ce domaine pourtant essentiel. Un paradoxe quand on se souvient que cette CSRD est inspirée du renforcement des réglementations sur le reporting financier venu... des Etats-Unis, notamment la loi Sarbanes-Oxley dite SOX de 2002, imposée avant même la crise des subprimes par les scandales Enron (dissimulation de dettes) et WorldCom (déclaration de revenus fictifs). Leur impact sur l'économie américaine avait eu un tel retentissement que le législateur américain avait été contraint d'intervenir à travers la mise en place de cette loi SOX imposant des normes de transparence financière dont l'obligation de contrôles stricts au sein des entreprises dans le but de prévenir d'éventuelles déviations.
La directive CSRD, émanation des principes de transparence de la loi Sarbanes-Oxley
La directive CSRD peut être considérée comme une émanation des principes de transparence financière introduits par la loi Sarbanes-Oxley, mais appliqués aux domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance. Les plus grandes entreprises européennes doivent dorénavant assurer une communication transparente concernant leurs données extra-financières. Il est prévu que les obligations s'appliqueront aux plus petites structures selon un planning étalé dans le temps.
Comme pour la loi SOX, l'objectif est pour les entreprises de s'assurer la confiance de leurs parties prenantes (Bourse, investisseurs, salariés, clients ...), mais cette fois-ci sur des sujets extra-financiers .La CSRD impose ainsi aux sociétés l'obligation de rendre compte de l'impact de leur activité sur le climat et la biodiversité ainsi que sur les sujets de droits humains (principe du inside-out), ainsi que de l'impact des dérèglements environnementaux et sociaux sur leurs santé opérationnelle et financière (outside-in). Elle prévoit d'empêcher le « greenwashing » en exigeant des rapports extra-financiers audités, de la même manière que la loi SOX visait à éviter le « financewashing ».
Au même moment, la Chine...
Aujourd'hui, face à la menace américaine d'une guerre commerciale imminente, l'Europe semble prête à tourner le dos à ces principes de précaution au nom de la défense de sa compétitivité. Au même moment, la Chine se démarque par une politique extrêmement ambitieuse en matière d'environnement. La production d'énergie chinoise à partir de charbon reste certes encore prépondérante. Cependant les énergies renouvelables représentent aujourd'hui déjà 35% environ de la production d'électricité du pays selon Lowcarbon.org. En 2024, des capacités de production d'énergie électrique renouvelables quatre fois supérieures à celles engagées par l'Europe sur la même période, ont été développées par l'empire du milieu.
Les entreprises chinoises font tout leur possible pour obtenir les scores maximums lors des audits ESG, devenus la boussole des directions achats occidentales. A titre d'exemple, des sociétés chinoises adoptent des approches sociales et environnementales ambitieuses telles que le doublement des salaires de leurs employés qui s'engagent à ne pas posséder de véhicule, permettant à ces entreprises chinoises d'augmenter significativement leurs scores ESG lors des audits, tels ceux organisés par un des leaders mondiaux dans ce domaine, la société française Ecovadis.
Quand Pékin satisfait les directions achats des entreprises occidentales
La Chine a également renforcé sa coopération avec les pays en développement autour des sujets ESG. Lors du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) tenu à Pékin en septembre 2024, le président Xi Jinping a annoncé un plan d'action incluant 30 projets d'énergie propre en Afrique. Ce plan prévoit également 46 milliards d'euros d'aides pour soutenir le développement durable sur le continent africain.
Ces initiatives illustrent la détermination de la Chine de gagner une réputation et un statut de « meilleur élève » en termes de protection de l'environnement. Un mouvement qui donne satisfaction aux directions achats des entreprises occidentales. En effet, autant sur le plan de la compétitivité des prix, la solution chinoise est évidente depuis de nombreuses années, autant l'approche occidentale restait prudente au moment de prendre la décision de transférer des achats vers la Chine, en raison des risques liés aux dommages sur l'environnement des activités industrielles chinoises, réputées peu regardantes.
En progressant sur ce terrain environnemental grâce à une approche proactive et des résultats tangibles, les entreprises chinoises creusent un écart qui risque de devenir irrattrapable pour les entreprises occidentales lorsque incendies, ouragans et inondations imposeront à l'Ouest le retour à une régulation davantage protectrice de l'environnement. Pékin sera alors en capacité de fournir des produits abordables, de qualité et respectueux de l'environnement, à des prix compétitifs. Il n'y aura alors plus de dilemme à se tourner ou pas vers l'industrie chinoise, il n'y aura simplement plus le choix.