Croissance verte : formation et changements en vue
Publié par Florian Langlois le - mis à jour à
Si la RSE est devenue un sujet primoridal pour une majorité d'entreprises, certaines n'ont pas encore pris en compte l'importance de ce sujet. Pour ces dernières, une formation massive est nécessaire, car la croissance verte apportera son lot de changements et peut même être source d'opportunités. Retour sur l'une des plénières organisées à l'occasion des 29èmes rencontres de l'AMRAE.
Les entreprises ont un rôle déterminant à jouer dans le changement climatique. En France, elles sont considérées comme le 2ème plus gros acteur de ce changement derrière l'Etat. Fort heureusement, une grande majorité d'entreprises a déjà pris conscience de ce risque, et la RSE est désormais l'un des sujets principaux au sein de ces dernières. "Dans l'esprit des entreprises et des secteurs financiers, il y a eu une prise de conscience assez récente, à partir de la COP 21 je dirais, de l'importance des risques climatiques et de la RSE. Le risque climatique est devenu un véritable sujet d'entreprise, ce qui n'était pas le cas il y a 10 ou 15 ans" explique Noam Leandri, secrétaire général de l'ADEME, l'agence de la transition écologique, à l'occasion d'une plénière organisée durant les 29èmes rencontres de l'AMRAE.
Si la prise de conscience est réelle, la réalité économique fait que beaucoup d'entreprises privilégient encore leurs bénéfices sans se soucier de leurs données ESG. Pour ces dernières, la taxonomie qui se développe tend à devenir de plus en plus exigeante en matière de reporting RSE. "Elle permet de déterminer ce qui est vert et ce qui ne l'est pas. S'il y a des politiques publiques ou des réglementations qui sont appliquées à partir de cette taxonomie, les choses vont commencer à bouger. Il est important de ne pas attendre ces réglementations et, dès aujourd'hui, de compter ce qui est vert ou ce qui ne l'est pas, avec du reporting. Demain, une différence de traitement pourrait être faite avec une « discrimination » qui va s'effectuer par la fiscalité, le choix des investisseurs, la réglementation qui va être durcie ... à travers cette taxonomie. Il est nécessaire d'investir du temps pour voir si vous cochez les cases ou pas" reprend Noam Leandri. "Il ne faut pas pour autant rentrer dans du RSE washing, à juste cocher des cases, sans montrer l'impact négatif de l'activité d'une entreprise," complète Anne-Catherine Husson Traore, directrice générale chez Novethic, webmedia qui se définit comme un accélérateur de développement durable.
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Pour sensibiliser les entreprises qui n'auraient pas entamé cette transition, des initiatives ont été crées, comme la convention des entreprises pour le climat. Inspirée de la convention des citoyens pour le climat, elle réunit 150 entreprises de toute taille et tout niveau de maturité qui s'interrogent sur la façon d'aborder leur transition écologique. "On y incite des DG et des Planet Champion, qui sont les Chief Transformation Officer de la RSE, à suivre un programme qui se veut transformant. On espère que cela servira de proof of concept et qu'on pourra, par la suite, le développer à plus grande échelle," explique Sylvain Prevot, directeur du développement chez Groupe Rive Neuve et membre fondateur des Entrepreneurs pour la planète.
L'importance de la formation
Les entreprises devront aussi prendre en compte de nouvelles données dans leur reporting extra-financier qui pourrait impliquer un changement dans leur stratégie. "L'idée est de passer à un modèle de Corporate Sustainable Reportive Directive, qui veut dire que dès 2023 en principe, ou 2024, les entreprises (avec un système adapté pour les grandes et les petites) devront publier de la donnée sur la double matérialité : la façon dont le risque climatique impacte l'activité de l'entreprise mais aussi la façon dont l'activité de l'entreprise aggrave ou non le risque climatique. L'idée est que les entreprises mesurent l'impact ESG qu'elles vont avoir sur leurs métiers et qu'elles les anticipent par une stratégie adaptée," analyse Anne Catherine Husson Traore.
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Pour Sylvain Prevot, le sujet principal pour entrainer un maximum d'entreprises dans cette transformation est la formation, autant pour comprendre le problème que pour trouver des solutions. "Les sujets majeurs de formation sont d'abord de savoir ce qu'est le développement durable, qu'est ce qu'une économie durable, qu'est ce que c'est qu'un modèle de développement durable au niveau planétaire. Il faut par la suite réinventer tous les métiers." Selon lui, la formation des DG est indispensable car ils restent les principaux concernés et les plus difficiles à convaincre. "Même si ça ne sera pas suffisant, il faut commencer par une formation massive des DG. La question de comment embarquer ses équipes et trouver le juste équilibre entre profit et impact durable est très compliqué pour eux, mais c'est un vrai sujet d'entreprise. Il faut remettre l'impact au coeur du sujet des entreprises et faire de l'argent un moyen et pas une fin. Pour ce faire, il y a un sujet de massification de la formation qui est fondamentale. Tous les DG devraient avoir 20h de formation, tout leur Comex aussi, puis les managers, etc."
Un impact certain sur la fonction finance
Tous ces changements vont avoir un impact certain sur le fonctionnement des entreprises, et notamment de la fonction Finance. "Certains métiers vont devoir changer. La fonction RH par exemple, dans ses recrutements, devra parler de sa raison d'être, de l'engagement de l'entreprise, d'autant plus que les nouvelles générations semblent beaucoup plus concernées par ce sujet. Dans un département Finance, il ne sera plus possible de travailler sans effectuer du reporting extra-financier sur l'ensemble de mon activité," décrit Antoine Denoix, CEO chez AXA Climate. Il est rejoint sur ce sujet par François Raoul-Duval, CEO de SRCD, entreprise familiale spécialisée dans les tanins et teintures végétaux. "L'action commence par la mesure, on ne peut rien faire si on ne mesure pas. Ça commence par exemple par un bilan carbone."
Sylvain Prevot des Entrepreneurs pour la planète va encore plus loin, et pense qu'il est nécessaire de revoir toute la manière de compter d'une société. "Il faut arrêter de penser que les indicateurs financiers reflètent un sentiment de progrès qu'ils sont censés représenter. Il faut réapprendre à mesurer son impact, que ce soit par la comptabilité extra-financière ou, à terme, la comptabilité intégrée. J'espère que demain, la finance intégrera totalement ces éléments. Il n'y a pas aujourd'hui un métier ou un secteur qui n'est pas à réinventer. C'est un fantastique défi à relever."
Et ce défi peut être une chance pour les entreprises et leurs secteurs financiers. Car la croissance verte et la technologie durable de demain sont aussi sources d'opportunités et de nouvelles activités. "En changeant ses process, notamment en anticipant les risques climatiques, en faisant des diagnostiques pour voir où des économies sur les flux peuvent être faites, une PME peut gagner 50.000 euros par an sans investissement, en prenant simplement en compte ses effets de consommation. Avec des investissements, il est possible d'aller encore plus loin," conclut Noam Leandri.