Digitaliser sa fonction, toujours un enjeu pour les Daf
Publié par Florian Langlois le - mis à jour à
Avec la crise sanitaire, la digitalisation est encore plus une priorité pour les entreprises, y compris pour la fonction finance. Réunis à l'occasion d'une table ronde, trois CFO donnent leurs conseils pour piloter efficacement la transformation digitale de leur fonction.
La digitalisation de la fonction finance était déjà un enjeu pour les Daf avant la crise du Covid, enjeu devenu majeur depuis. Pour aider les fonctions finance encore en retard à ce sujet, TripActions, spécialisé dans la gestion des déplacements professionnels, a organisé le 19 mai 2022 une table ronde durant laquelle trois CFO ont partagé leurs bonnes pratiques pour piloter efficacement cette transformation. Leur premier conseil est de commencer par des basiques. « Pour moi, la digitalisation commence par la mise en place de RPA, notamment sur toute la partie digitalisation des factures. Il faut déjà avoir des bonnes données pour ensuite pouvoir s'engager dans des choses plus compliquées comme la planification, etc » rapporte Nadine Pichelot, CFO pour l'Europe chez Anaplan, société spécialisée dans les solutions de planification connectée. Une idée reprise par Thomas Tuchscherer, CFO de Tripactions : « nous parlons souvent de digitalisation, mais ce qui est important, c'est l'automatisation. Or, pour digitaliser la fonction, l'ERP est la première chose à automatiser. C'est la base. »
L'importance des softs skills
La transformation digitale n'est pas qu'une affaire d'outils, cela passe également par une équipe et par des talents. Il s'agit ici pour le Daf de s'entourer de personnes de confiance mais aussi compétentes. « Les tâches à faible valeur ajoutée vont être automatisées, il restera alors les tâches qui nécessitent d'analyser et d'interpréter, portées par les salariés, analyse Arnaud Petit, CFO International Market chez Sage. Nous allons retrouver au sein des fonctions finance des personnes avec des compétences pointues dans leur domaine. Ce qui est important, c'est aussi d'être capable de développer des softs skills, comme être capable de parler en public, de convaincre ou de créer du lien avec les équipes. Ce n'est pas simple, d'être susceptible d'être à la fois dans la technicité mais aussi de restituer et d'influencer. »
Nadine Pichelot met de son côté l'accent sur le fait d'être compréhensible auprès de tous ses business partner. « L'expertise est importante car il faut être sûr, lorsqu'un de ses collaborateurs sort un chiffre d'une plateforme, que ce chiffre est exact. Au-delà des chiffres et des modèles, il faut être capable de générer des modèles compréhensibles de son business partner, sinon tout l'intérêt est perdu. Il est également important d'écouter, mieux, d'entendre ce que le business partner nous dit et d'être capable de lui réexpliquer quelque chose si ce n'est pas clair pour celui-ci. »
Des bénéfices certains
Outre le fait de pouvoir « manipuler des datas considérables » comme l'indique Arnaud Petit, la digitalisation permet de gagner en efficacité. « Dans notre métier, il faut pouvoir fournir des analyses et le faire de la manière la plus rapide possible puisque cela permet d'optimiser, de tester et de prendre une décision, » note Thomas Tuchscherer.
La technologie peut aussi être un vecteur d'évolution interne pour les membres de la fonction finance. « J'ai vu beaucoup de gens évoluer. La technologie peut être utilisée pour des tâches nobles. En comptabilité par exemple, il m'est arrivé de rencontrer des personnes qui se découvrent un réel appétit pour cette technologie, » reprend Nadine Pichelot.
Arnaud Petit va encore plus loin et évoque la question de l'IA qui peut, là aussi, être source d'opportunités. « L'IA est capable de passer en revue très rapidement plusieurs années de datas pour construire des projections. En clair, cela permet au financier de disposer d'un chiffre du forecast qu'il va pouvoir évoquer avec son Codir et d'avoir un jugement purement objectif. Le machine learning permet ici d'avoir une discussion plus factuelle. » Pour sa part, Thomas Tuchscherer prédit que « la fonction finance s'appuiera de plus en plus sur des data scientists » afin de développer des algorithmes de machine learning pour améliorer les prévisions et prévoir de manière plus exacte le chiffre d'affaires d'une société.
Embarquer son Codir
L'un des freins à cette digitalisation peut être la réticence du Codir à investir dans le back-office. Une nouvelle fois, le Daf a un rôle clé. « Il est très important d'expliquer pourquoi on le fait et ce que cela peut apporter aux partenaires du Codir, complète Nadine Pichelot. Il est aussi important d'avoir de grandes ambitions, tout en gardant en tête des petits projets qui vont amener des résultats rapidement et vont permettre d'embarquer les équipes, la RH, la R&D. La question est aussi de voir comment les différents outils simplifient la vie des collaborateurs et les aident tous les jours à faire des tâches à plus forte valeur ajoutée. Cela fait gagner énormément de temps, ce qui est une donnée très importante à savoir mettre en avant. »
Thomas Tuchscherer poursuit dans ce sens. « La subtilité est d'arriver à équilibrer ses investissements entre toutes les différentes fonctions pour bien accompagner la croissance globale de l'entreprise de manière à ce que le back office soit en mesure de suivre le rythme du front office. Il faut avoir une bonne relation avec le directeur commercial et bien communiquer pour que le CFO puisse mettre en avant les raisons qui motivent cet investissement ainsi que les bénéfices et les risques. »
Enfin, Arnaud Petit insiste sur la nécessité du retour sur investissement. « C'est souvent le budget qui décide de l'investissement. Il est important de mettre l'accent sur les notions d'efficacité, de productivité et même parfois de sécurité sur la data. Il faut parfois leur faire un peu peur, ça peut être un moyen efficace. »